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Moustapha CONGO

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Moustapha CONGO

Secrétaire permanent du Plan d'Action pour la Gestion Intégrée des Ressources en Eau - Ministère de l’Eau et de l’Assainissement - Burkina-Faso

En quoi le RIOB est un réseau important de partage de connaissances et d’expériences, aussi bien à l’échelle du continent africain et mondiale ?

Comme vous le dites, c’est un réseau international qui regroupe les différents organismes de bassins de différents pays. C’est un réseau qui rassemble des gens qui ont vécu des expériences aussi bien positives que négatives. Ces expériences sont principalement positives, et elles peuvent faciliter l’accession d’autres pays à certains stades non encore atteints.
Les expériences négatives permettent de tirer des leçons et d’éviter que les gens et les pays ne parte plus dans le sens où d’autres ont échoué. C’est important, notamment pour les pays Africains où, généralement, il n’y a pas de propre expertise et expérience. La plupart des systèmes de gestion des ressources en eau sont des systèmes qui ont commencé en Europe, et sur lesquels les pays Africains, notamment le Burkina, se sont appuyés pour mettre en place leur propre structure de gestion intégrée de la ressource en eau (GIRE).
Donc le RIOB est une organisation qui permet, grâce à sa configuration, de “booster” la gestion de la ressource en eau au niveau des pays Africains, à travers l’expertise qu’il peut apporter, à travers l’information que le réseau peut avoir sur les problématiques et les différents développements de la gestion des ressources en eau, y compris la recherche de financements. Ces éléments sont vraiment positifs pour notre pays.

Quels sont les enjeux principaux de la gestion de l’eau au Burkina Faso ?

Les enjeux de la gestion de la ressource en eau sont multiples. Le Burkina est un pays où les ressources en eau sont rares, et cela est aggravé par le changement climatique, qui a entrainé une baisse de la pluviométrie, devenue rare et très espacée.

Autre conséquence, l’évaporation a atteint 2 mètres par an. de part le contexte géologique du pays (80% de cristallin et 20% sédimentaire), les ressources souterraines sont rares et nous sommes obligés de faire des ouvrages de mobilisations. or, on ne peut pas faire d’ouvrages de mobilisation très profonds, et les ouvrages peu profonds perdent rapidement de grands volumes d’eau à cause de l’évaporation.

Un autre problème est la population, qui a plus  ou moins doublé ou triplé au cours des 10 dernières années.

Il y a aussi le développement économique, les industries, les mines, et même la façon de faire de l’agriculture, qui est devenue très consommatrice d’eau.

Cela crée des conflits entre les usagers, pour l’industrie, le minier, l’agriculture, l’élevage et même l’eau potable.

Ce sont de grands enjeux que nous auxquels nous devons faire face.

Un autre enjeu qui est arrivé compte tenu du fait qu’il y a l’agriculture, devenue trop consommatrice d’eau, et qui utilise des produits, comme les pesticides, ce qui entraîne une pollution diffuse plus ou moins généralisée des eaux de surface et des eaux de surface et eaux souterraines.

Il y a aussi un enjeu par rapport à la collecte des déchets et à l’assainissement. Il s’agit là d’un problème de santé publique, avec le risque de transmission d’un certain nombre de maladies, de l’Homme à la plante, et de la plante à l’ensemble de la population. Donc l’enjeu de la maîtrise de l’assainissement est important.

Actuellement, nous avons beaucoup de pollution industrielle, notamment liée à l’orpaillage: nous avons au moins 600 sites orpaillage répartis dans tout le pays. Dans tous ces sites, les gens utilisent des produits chimiques, et ignorent leur dangerosité, et c’est une pollution généralisée qui peut atteindre d’autres pays.

Pourquoi et comment le Burkina Faso a mis la GIRE en place, à l’échelle nationale ?

Sur le plan international avec les différentes Conventions, le Burkina a mis en place le processus GIRE.

Depuis les années 74, avec les grandes sécheresses, le Burkina a subi un choc en terme d’alimentation en eau potable, avec des déplacements de populations et des morts d’animaux, et cela a été un éveil pour les dirigeants.

Il a fallu élaborer une stratégie de manière à mobiliser les ressources en eau. Donc, dans les années 80, il y a eu la constitution d’un certain nombre d’ouvrages de mobilisation pour assurer l’alimentation en eau, non seulement des populations mais aussi de l’élevage.

Mais on a vu que cette politique n’était pas bien cadrée. Dans les années 90, le Burkina a entrepris d’aller vers l’élaboration d’une politique stratégique en matière d’eau, et le Burkina a été l’un des 1ers pays d’Afrique de l’Ouest a adopté la GIRE, avec la conférence de Ouagadougou de 1998.

La loi relative à la Gestion de l’Eau, en 2001, a permis de faire un état des lieux, suivi du 1er plan pour la GIRE, qui a été élaboré et mis en œuvre de 2003 à 2009. Ce plan a permis de développer sur le plan Institutionnel, sur le plan Juridique un ensemble d’outils.

Sur le plan Juridique il y a eu la loi et son décret d’application (plus d’une 30aine de décrets d’applications) qui ont été élaborés. Sur le plan Institutionnel, des structures ont été mises en place au niveau national avec l’ensemble des acteurs, à savoir l’Administration, les Collectivités, la société civile, même les Coutumiers et la communauté Scientifique, et l’ensemble des Ministères.

Tous les projets qui sont dorénavant exécutés au Burkina doivent recueillir l’avis du Conseil National de l’Eau avant d’aller au conseil des Ministres, ainsi que l’ensemble des acteurs doivent être informés et donner leur avis avant que ce ne soit validé.

Le Burkina compte 4 bassins qui ont été subdivisés en 5 bassins administratifs, compte tenu d’un certain nombre de critères sociologiques, chacun dotés d’une agence de l’eau, aujourd’hui opérationnelle.

il s’agit des Agences de l’Eau du Nakanbé (AEN), du Mouhoun (AEM), des Cascades (AEC), du Gourma (AEG) et du Liptako (AEL).

Au niveau local, la même structuration que celle faite au niveau du conseil national de l’eau a été mise en place: on a mis en place au niveau des sous-bassins les comités locaux de l’eau, comme en France avec la commission locale de l’eau, qui regroupe l’ensemble des usagers, avec  les collectivités et l’Etat. Ils se réunissent, non seulement pour régler les conflits d’usages, mais aussi pour sensibiliser les acteurs, et définir les priorités, d’après les problématiques qui se trouvent dans le bassin, quels sont les axes nécessaires pour freiner les impacts du changement climatique sur les ressources en eau par exemple.

Au niveau National, nous avons près de 46 comités locaux de l’eau, mis en place en priorité sur les bassins où il y avait beaucoup de problèmes de conflits d’usage. J’ai l’habitude de dire que “ça marche”, même si d’autres disent le contraire: avant, les conflits d’usage entre maraîchers se résolvaient à la machette; maintenant, ils discutent au niveau du comité de l’eau! C’est un grand acquis.


Coté financement, on s’est dit qu’il fallait trouver des ressources endogènes à même de soutenir la GIRE, de faire en sorte que les agences puissent être financièrement autonomes. Même s’il y a des ressources extérieures que l’on demande, ce n’est pas pour faire fonctionner les agences, c’est pour faire des actions concrètes sur le terrain.

On a mis une contribution financière en matière d’eau composée de 3 volets:

- une taxe préleveur-payeur, une taxe pollueur-payeur, et une taxe sur la modification du régime de l’eau.

Actuellement, le volet préleveur-payeur est opérationnel, mais juste pour les grands pollueurs, à savoir les industriels, les miniers, qui paient une redevance de 125 francs le mètres cubes d’eau,  le BTP, qui paie 10 francs le mètre cube du remblai exécuté et 20 francs du mètre cube de béton exécuté, en relation avec la teneur en eau, ce qui correspond à 150 francs le mètre cube d’eau.

Et il y a les producteurs d’eau potable qui sont à 50 francs le mètre cube d’eau prélevé. L'Office national de l'eau et de l'assainissement (ONEA), qui a un caractère social, paie 1 franc le mètre cube d’eau.

Le bilan est mitigé: on arrive à avoir environ 500 millions de francs, alors que le potentiel est de 2,3 milliards, mais c’est déjà un acquis.

Au niveau des 5 Agences,  2 Agences peuvent assurer leur autofinancement en terme de fonctionnement. L’objectif est que d’ici 2025-2030 au plus tard, les 5 Agences soient autonomes.

On a également mis en place une police de l’eau parce qu’on s’est rendu compte que les textes existent mais leur application sur le terrain pose problème. Donc il fallait trouver un mécanisme pour faire appliquer les textes. Ce service de police de l’eau joue un rôle de coordination: en effet, il y avait des services qui étaient là, avec déjà un caractère régalien de police de l’eau, notamment les eaux et forêts, la gendarmerie, la police et les agents de l’assainissement.

On a fait que assermenter des agents du Ministère de l’eau, qui donc assurent une coordination des actions. Quand ils sortent sur le terrain, ils sortent avec ces structures là.

Au niveau des hauts bassins, ils font partir les gens sur les berges, ils contrôlent les producteurs d’eau potable pour vérifier qu’ils respectent la qualité de l’eau…

Ils ne font pas seulement de la répression, ils font aussi de l’information et de la sensibilisation.

Il est intéressant de noter que, chaque fois, les actions qui sont entreprises se situent dans le sens où il y a une acceptation par les personnes concernées. Dans le cas des redevances, vous n’êtes pas partis "bille en tête", si je puis dire, sur “tout le monde va payer la redevance” puisque vous savez que tout le monde ne peut pas payer. Donc vous êtes partis sur les industriels… Et pour la police de l’eau c’est pareil: il n’y a pas un ministre qui a dit : « Ca y est on supprime tout, et on fait un service de police de l’eau ».
Vous avez dit “on garde ce qui existe déjà, et on essaie de coordonner au mieux tout ça, ce qui permet l’acceptation par ceux qui font déjà la police de l’eau d’accepter cette réforme.

 

On est en train de sensibiliser d’autres usagers, comme les maraîchers et l’agriculture. L’objectif est qu’ils mettent en tête que l’eau est payante, même si c’est un franc symbolique. Il faut aussi qu’ils voient que à quoi la contribution financière de l’eau est utilisée. On est au stade de l’étude et la concertation.

Il faut aussi d’adopter les autres volets, comme le volet pollueur-payeur.

Quels sont les résultats positifs concrets déjà obtenus ? Volumes d’eau consommés, qualité de l’eau, écueils rencontrés ?

 

On est au début, c’est lent, c’est progressif. Notre objectif, ce n’est pas l’argent, ce sont les économies d’eau, pour permettre à tous les  usagers d’en avoir.
Le principe est de faire des économies d’eau, de faire de la réutilisation d’eau, pousser les gens comme les miniers à faire de la recirculation d’eau, utiliser des technologies qui consomment moins d’eau, et que chacun prélève juste ce qu’il veut.

Comment vous avez réussi à développer la participation des usagers dans tout ce processus ?

Pour la participation des usagers, on a la “chance”, au Burkina, que les gens vivent la réalité du changement climatique. Ils veulent des solutions. Lorsque l’on parle de mettre en place un comité local de l’eau, les populations disent qu’il y a 10 ans voilà ce qu’il y avait, et maintenant voilà ce qu’il y a. Si la tendance continue, dans 10 ans ils vont disparaître. Ces constatations sont le levier sur lequel nous nous sommes appuyés pour favoriser cette mise en place de la participation.

En terme d’approvisionnement d’eau potable, ils avaient des puits qui sont actuellement ces puits sont secs,  et les nouveaux forages ne font pas 4-5 ans, contre 10 auparavant. Partout, il y avait de la végétation, maintenant, elle a disparu. Eux-mêmes veulent des solutions aux problèmes.

Quelles sont les actions prioritaires du Burkina Faso, en matière de GIRE, pour les mois et années à venir ?

On a déjà adopté un programme « GIRE 2016-2030 », et en 2019,  on en est à la 3ème génération. J’ai parlé de la 1ère, la 2ème génération est celle qui nous a permis de mettre en place les structures et de commencer à être opérationnel.

La 3ème génération qui sera clôturée l’année prochaine est l’élaboration des instruments, comme des schémas directeur de gestion de l’eau, puis les programmes pluriannuels des différentes agences. Il y a 2 agences qui en ont déjà leur schéma directeur d’aménagement, et 1 qui est en cours de finalisation et 2 autres qui sont en cours d’élaboration.

L’objectif de la 3ème génération de plan d’action est que tous ces instruments soient opérationnels, que le maximum de gens puisse payer, et qu’on puisse mettre sur le terrain des actions concrètes de protection et de restauration des ressources en eau pour que les usagers les voient.

Pour que la police de l’eau soit opérationnelle pour limiter effectivement la pollution, et c’est l’enjeu majeur, il faut miser sur la communication, la sensibilisation, le plaidoyer. Ca c’est permanent: il faut que les populations puissent comprendre les enjeux.

Nous avons une expérience positive. On a la chance que chaque année il y ait la journée Nationale du Paysan, où, auparavant, personne ne parlait des problèmes d’eau. Actuellement, il n’y a pas une journée Nationale du paysan où les paysans n’interpellent pas directement le Président sur le comblement des cours d’eau et leur envasement. Ça veut dire qu’une certaine communication est apparue, et il faut que l’on continue avec cette communication-là pour que ça puisse toucher la conscience de la population. Il faut vraiment obtenir une adhésion qui va permettre de faire bouger les choses rapidement.

Il faut ajouter à cela que compte tenu du problème de manque de ressource en eau, il faut  que les gens puissent avoir accès des technologies d’économie d’eau. Donc il faut de la formation, de la sensibilisation, un renforcement des capacités pour qu’il y ait des actions d’adaptation et d’atténuation face au changement climatique, pour permettre aux gens de produire avec le minimum d’eau.

Vous êtes membres de l'autorité du Bassin du Niger (ABN), et une partie de votre  territoire est inclus dans celui de l’ABN. Dans tout ce processus que vous avez décrit (la GIRE, la mise en place des Organismes de Bassin, les Agences), L’ABN en terme d’organisme, vous a t il aidé, ou a t il été un frein, ou ni l’un ni l’autre, il n’y a pas eu de problème mais pas spécialement une aide de l’ABN ?

Le processus a été vraiment très national, l’ABN avait des actions dans les portions qui sont sur le territoire mais n’est pas un lien direct avec le programme de l’ABN.

Vous étiez un peu précurseur par rapport au programme de l’ABN ...

Il faut qu’il y ait une synergie entre ce qui se passe à l’ABN et les portions nationales. mais le problème est que l’organisation n’est pas la même. Ça va peut-être venir avec le temps.
Au Burkina Faso, nous avons l’agence de l’eau du Libtaco qui va avoir un schéma directeur de gestion de l’eau, et et celle du Gourma qui a déjà le sien. Ça veut dire que les actions de l’ABN devraient être en conformité. mais c’était le contraire. Il faut que les agences puissent participer au niveau de l’ABN, non seulement pour décrire leur programme, mais aussi pour voir s’il y a des synergies possibles. C’est le travail de l’ABN au niveau National. Malheureusement, tous les autres pays ne sont pas structurés en terme d’Agence.
Au sein de l’ABN, les pays sont représentés par des points focaux nationaux qui sont les directions générales de l’eau, ce qui fait que l’agence est mise de côté. L’ABN envoie aux points focaux ce qui entraîne des difficultés.

S’il n’y a pas d’agence dans un pays parce que chez vous il y a un point focal mais il y a ensuite toutes les agences…

L’intelligence devrait être au niveau du Burkina: les agences doivent être associées au point focal ABN. La présence des agences n’est pas encore bien intégrée.

Pourriez-vous nous décrire les grands axes du travail mené avec l’OIEau et les Agences de l’Eau Françaises pour tout ce qui concerne la GIRE et les actions que vous avez développées ?

 

Nous avons commencé avec l’Agence de l’Eau Adour-Garonne, qui a appuyé la mise en place et la signature de la convention des agences de l’eau du Mouhoun et du Nakambé. Cela avait initié parce qu’il y avait un programme sur les ressources en eau de l’ouest où on avait entrepris l’élaboration d’un schéma directeur du périmètre de gestion de l’eau.

L’agence de l’eau Adour-Garonne a dit : “On ne peut pas faire un schéma sans Agence” et ils ont appuyé effectivement l’émergence de ces deux Agences.

L’Agence de l’eau Loire-Bretagne a aussi appuyé le développement de l’Agence du Nakambé.

Ensuite, l’OIEau est venue pour être interface entre les Agences de l’eau françaises et les Agences de l’eau locales.

On a bénéficié de formations sur place pour savoir comment fonctionne une Agence et ses structures, comme le comité de bassin. Que ce soit au niveau de l’administration ou des collectivités, on a eu des stages sur place pour comprendre les mécanismes de fonctionnement.

Cela a permis un renforcement de nos capacités.

Et pour ces formations, est-ce que l’OIEau a été impliquée ? En quoi l’OIEau est un organisme de référence en matière de formation ?

Des agents sont allés en formation en France, à l’OIEau; de même, des spécialistes sont venus sur place au Burkina-Faso pour échanger avec les agences et améliorer la fiscalité. Tout ceci pour permettre aux agences burkinabe d’améliorer leurs compétences, tant techniques qu’économiques.

Nous aurions peut-être abandonné en cours de route sans l’appui donné par l’OIEau et les Agences de l’eau françaises; nous avons bénéficié de leurs 40 ans d’expériences, pour construire une politique de l’eau, et cela nous a permis d’arriver au niveau où nous sommes actuellement.

Pays
Moustapha CONGO
Source

Interview réalisée lors de la 11ème Assemblée générale mondiale du RIOB - Du 30 septembre au 03 octobre 2019 à Marrakech (Maroc) - © RIOB 2019